lundi 1 mars 2010

Singapour (dernière semaine)

Après l'Inde, nous faisons une escale a Singapour ou Joelle, la soeur de P-A, nous acueille avec toute sa famille: Claude, Lenny et Audran. Arrivés tous deux passablement maganés (on avait la chiasse, on était maigres, on était crevés, on avait l'air de deux chats de gouttière), nous sommes pourtant recus comme des princes. Suite particulière au deuxième (la charmante Claude a la gentillesse de nous cèder sa chambre pour la durée de notre séjour), repas sains et nourissants matin, midi et soir, la petite famille ne néglige aucun détail pour nous aider a recouvrer notre vigueur naturelle (et légendaire aussi...).
La chaleur étant constante a Singapour, on en profite pour passer la moitié de la journée dans la piscine du condo, a bronzer, a jouer avec les enfants. Au passage, on visite un peu (pas trop, juste assez), on boit quelques bières (ici, c'est la 'tiger') on fume la chicha et on paresse surtout, on refait nos forces.
Demain, on décolle: avec des escales a Taipei (Taiwan), puis finalement New York, on sera a Montréal jeudi matin...











Aux intéressés, un dernier épisode reste a suivre...

Varanasi (jours 47-48-49)

De Hampi, il faut des heures de train pour remonter jusqu'a Varanasi. Au total, près de 48 heures a se faire trimballer d'une gare a l'autre, a manger des repas de fortune dans des assiettes d'aluminium qu'on garoche par la fenetre a la fin (en Inde, il n'y a pas de poubelles et encore moins de recyclage: probablement que ce concept n'existe meme pas encore dans l'esprit local...) et aussi a dormir comme on peut (deux nuits plutot qu'une!) dans le froid et les ronflements de nos voisins de cellule (il faudrait dire compartiment mais apres 40 heures et plus confiné au meme siège, on dirait que tout se teinte d'une couleur plutot, comment dire, 'carcérale').
A l'arrivee, nous attendent le chaos des rues, typique semble-t-il, des villes du nord du pays, mais aussi le Gange, fleuve sacré entre tous qui coule sale et nonchalant sous un soleil de plomb. Sur ses rives, les nombreux 'ghats' composés d'espèce de terrasses qui s'étirent en escaliers descendant jusqu'a l'eau sont le théatre de rituels incessants: des abblutions matinales en passant par les offrandes de fleurs et de chandelles, jusqu'a la mythique crémation des morts. De partout et a l'année longue, les indiens y viendraient par centaines pour s'y baigner et ainsi s'y purifier, mais aussi pour y mourir. Quitter la vie dans la ville sainte représenterait en effet, selon la légende,le gage le plus sur pour accéder directement au Nirvana. Des milliers d'années plus tot, Shiva lui-meme y aurait inhumé sa propre épouse décédée. Aussi, aujourd'hui encore, tous se pressent sur les bords de la rivière afin d'en perpétuer le geste, allumant d'ailleurs les dépouilles de leurs etres chers a l'aide de la meme 'flamme éternelle' qui aurait été conservée et alimentée au fil des siècles, du temps de la légende jusqu'a nos jours.
Du coup, tout le jour, dévalant les allées étroites et tortueuses de la vieille ville, des hordes d'hommes en deuil portent sur leurs épaules des brancards multicolores sur lesquels reposent les dépouilles enrubannées. Tout en bas, a fleur d'eau, des buchers attendent, soigneusement préparés avec l'une ou l'autre des quatre ou cinq essences de bois traditionnellement réservées a cet effet. Le bois de sental, prisé entre tous, embaume l'air de son précieux parfum tandis qu'autour du feu, les hommes veillent et discutent doucement (uniquement les hommes, les femmes n'étant pas admises aux buchers: 'les femmes pleurent, et les pleurs empechent l'ame des mort de s'élever', nos explique-t-on), chacun couvant en secret l'espoir qu'un jour aussi, il mourra a Bénares (c'est comme ca que s'appelait la ville anciennement). Environ trois heures et 350 kilos de bois sont nécessaires a la crémation de chaque corps. Après quoi, les cendres sont ramassées et dispersées sur l'eau. Pour certaines raisons obscures, les enfants, les vieillards et les femmes enceintes ne peuvent accéder, lorsque la mort les surprend, aux honneurs du bucher. A la place, ils seront lestés de roches et précipités directement au fond du Gange. Ceux qui seront mort des suites d'une morsure de serpent seront eux aussi privés du 'service funéraire' 'officiel'.
Le spectre de la mort rode donc, au-dessus des ghats et le long des allées qui s'entortillent pour former le plus mystifiant des dédales (nous avons passé des heures a tourner autour de notre hotel sans jamais le trouver! Toutes les rues étaient étrangement pareilles et il nous semblait toujours revenir a notre point de départ...). Toutefois, la vie grouille aussi, déborde, exulte, et a chaque tournant les sens risquent de s'en prendre plein la gueule. La vieille ville se révèle etre un véritable concentré de tout ce que l'Inde possède de plus truculant, de plus odorant, de plus troublant, de plus touchant. Il serait difficile de s'imaginer en sortir indemne. Au passage, on y laisse, c'est certain, quelques morceaux, quelques bouts de soi, de nous. Quelques roupies aussi, qu'on nous prend pour tout, pour rien, un sourire, une photo, une prière ou encore un tour en bateau, un massage, une coupe de cheveux...tous les moyens sont bons pour gagner sa ration de chapati quotidienne. Et on en sort enivré, étourdi, un peu fou aussi, et on en perd la notion: de nos repères, de l'existence, du poids et de la légèreté des choses, du temps aussi. Et on se réveille un matin et on réalise qu'il est temps de partir, de laisser ce beau pays, pour revenir, pour rentrer...